L’ALLERGIE AU GLUTEN RESTE SOUVENT SILENCIEUSE

Appelée maladie cœliaque, cette allergie est bien connue du monde médical. Pourtant, ses symptômes variés, voire parfois absents, rendent le diagnostic difficile.

L’ALLERGIE AU GLUTEN RESTE SOUVENT SILENCIEUSE



Dans le pain mais aussi les sauces, l’aromate, les pâtisseries… le gluten est partout. Les produits sans gluten, eux aussi, se multiplient sur les étals de nos supermarchés. Manger «gluten free» est devenu une forme d’hygiène de vie pour certains. Pour d’autres, ceux qui souffrent d’une maladie cœliaque, soit environ 0,6% de la population, c’est une obligation absolue. Le problème, c’est que certaines personnes qui en sont atteintes l’ignorent. Les symptômes sont très variés et ne se manifestent pas toujours sur le plan digestif. La maladie peut donc évoluer en silence pendant des années.

Parfois confondue avec une «intolérance au gluten» – une forme moins prononcée de problèmes liés au gluten – la maladie cœliaque est une véritable allergie. Elle résulte d’une activation inappropriée du système immunitaire. Lorsque l’organisme entre en contact avec du gluten, les lymphocytes, des cellules inflammatoires, sont activés. En s’accumulant dans la paroi intestinale, ils finissent par provoquer une altération de la muqueuse.

Contrairement à l’allergie à la farine (lire encadré), la maladie cœliaque ne provoque pas forcément de symptômes immédiats. C’est surtout au fil du temps qu’elle devient dangereuse. Plus la muqueuse intestinale se détruit, moins les nutriments nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme (par exemple le fer, le calcium, etc.) sont absorbés. Les personnes souffrent alors d’importantes carences. L’inflammation chronique de l’intestin augmente aussi le risque de développer des tumeurs. Pour éviter ces effets néfastes, une seule solution: se soumettre à un strict régime sans gluten.

Des symptômes très variés

Avant de prendre des mesures aussi drastiques, encore faut-il poser un diagnostic. Dans l’imaginaire collectif, la maladie cœliaque se repère chez les petits enfants qui perdent du poids et ont le ventre gonflé. Pourtant, la maladie peut se déclarer à tout âge. «En réalité, cette forme dite "typique" ne se manifeste que chez 20% des patients atteints de maladie cœliaque, relève le Pr Jean-Louis Frossard, médecin-chef du Service de gastro-entérologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les autres symptômes sont extrêmement variés». Manque de fer, ostéoporose, douleurs dans les nerfs ou même fausses couches à répétition: les signes ne sont pas forcément liés à la zone digestive. Chez certaines personnes, il peut même y avoir une absence presque totale de symptômes. Dans ce cas, pas facile de faire le lien entre des troubles ressentis et le gluten. Le problème, c’est que si pendant ce temps la personne continue d’en ingérer, la muqueuse intestinale se dégrade sans cesse.

Envisager un dépistage

En cas de doute, plusieurs outils existent pour poser le diagnostic. Premièrement, la recherche d’anticorps dans le sang. Si le résultat est positif, c’est le signe que le système immunitaire réagit au gluten. Pourtant, ce test ne suffit pas. Il doit être confirmé par une biopsie intestinale. Un petit morceau de la muqueuse est prélevé afin de repérer une éventuelle altération. «Environ 3% de la population globale a des anticorps présents dans la prise de sang, détaille le Pr Frossard. Pourtant, une atteinte de la muqueuse n’est observée que chez la moitié d’entre eux. Chez ces personnes, la maladie cœliaque est confirmée. Chez les autres, on ne sait pas encore très bien s’il y a ou non un risque aggravé de la déclarer plus tard».

Mais lorsque les symptômes sont totalement absents, un dépistage n’est généralement pas envisagé. Faudrait-il donc tester systématiquement toute la population? «Certainement pas, répond l’expert. Cela représenterait des coûts importants et exposerait les patients aux limites du test sanguin, c’est-à-dire à des cas de faux-positifs. En revanche, il est important d’effectuer des dépistages ciblés chez les personnes à risque». Parmi elles, les individus déjà touchés par une autre maladie immunitaire comme le diabète de type 1, ou les proches au premier degré d’une personne avec une maladie cœliaque avérée. Nicoletta Bianchi, diététicienne cheffe-adjointe au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) est du même avis. «Lorsque nous voyons un enfant cœliaque en consultation, nous essayons de mettre la puce à l’oreille des parents et de les encourager à aller se faire tester en cas de doute.» Attention, toutefois, à ne pas se fier aveuglément aux autotests d’anticorps disponibles en pharmacie et dans certaines grandes surfaces. «Il faudrait toujours être accompagné pour effectuer ce type d’analyse, estime Nicoletta Bianchi. D’une part car les résultats peuvent être erronés et d’autre part car une confirmation du diagnostic, mais surtout un suivi et des conseils sont nécessaires en cas de résultat positif.»

Un régime strict

Arrêter de manger du gluten du jour au lendemain sans avis médical n’est pas recommandé. Il s’agit d’un très gros changement dans les habitudes de vie. Une personne non-cœliaque (lire encadré) n’a donc pas d’intérêt à se soumettre à un régime aussi sévère. Il faut notamment veiller à éviter les carences. «En éliminant totalement le gluten de son alimentation, il existe un risque de manquer de fibres. Il faut donc compenser avec d’autres aliments qui en contiennent, comme les légumineuses», recommande Nicoletta Bianchi. De plus, suivre un régime strict peut s’avérer compliqué. Le gluten se cache dans beaucoup d’aliments, notamment ceux qui sont transformés. Au restaurant, difficile de passer à côté. «50% des personnes cœliaques diagnostiquées à l’âge adulte ne suivent pas entièrement leur régime», explique la spécialiste. Pourtant, même les plus petites quantités de gluten devraient être évitées. Par conséquent, une éducation thérapeutique est nécessaire.

A noter que de manière générale, la maladie cœliaque est rencontrée de plus en plus fréquemment dans la population. Plusieurs hypothèses expliquent ce phénomène. Le diagnostic, d’une part, a évolué et s’est affiné En conséquence, davantage de formes silencieuses sont découvertes. D’autre part, le «panier de la ménagère» s’est modifié au fil des années. Nous mangeons sensiblement plus d’aliments contenant du gluten qu’il y a cent ans. Conséquence de cette surexposition: la sensibilité augmente.

 

 

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