L'impatience :Je ne supporte pas d’attendre
Stimulante quand elle est
modérée, l’impatience peut être signe d’immaturité et devenir un sérieux
handicap. Gros plan sur une intolérance chronique à la frustration.
Pourquoi ?
Savoir
attendre son heure et prendre son mal en patience n’est facile pour personne.
Mais en principe, passé son troisième anniversaire, l’être humain intègre les
vertus de la patience.
Selon
le psychiatre Xavier Pommereau, ceux qui sont dans l’urgence permanente n’ont
pas appris, bébés, à supporter l’absence momentanée de leur mère, souvent parce
que celle-ci agissait comme si absence et manque ne devaient pas exister,
anticipant et compensant tous les désirs de l’enfant.
De
l’avis des psychanalystes, ces adultes hyperpressés sont inconsciemment restés
au stade de la toute-puissance infantile, quand l’enfant a l’impression que sa
pensée est magique, qu’elle peut faire advenir ou disparaître les êtres et les
choses. Normalement, nous découvrons que la réalité existe en dehors de nous et
que nous ne la créons pas. Chez certains, ce passage du « principe de plaisir »
au « principe de réalité » a échoué
Les Gestalt-thérapeutes considèrent que derrière
ce sentiment d’urgence il y a des émotions refoulées, qui auraient besoin
d’être accueillies et soutenues. Comme le souligne Gonzague Masquelier,
directeur de l’Ecole parisienne de Gestalt-thérapie, angoisse existentielle,
peur de vieillir, colère ancienne contre ses parents ou contre soi-même
s’expriment en tyrannisant son entourage. Vouloir tout, tout de suite cache
également une pulsion de maîtrise, le besoin d’avoir une emprise sur les
choses, le temps, l’environnement. Cette façon de prendre le pouvoir sur
l’autre permet souvent de camoufler un manque profond d’estime de soi.
Pour les comportementalistes, une extrême impatience
peut provenir de graves troubles anxieux. Les phobiques sociaux, par exemple,
ne supportent pas d’attendre parce qu’ils ont peur d’être dévisagés. Chez les
personnalités impulsives, dites "border-line", l’impatience peut
s’accompagner de passages à l’acte violents. Certains chercheurs l’expliquent
par une dérégulation de la production de sérotonine. Mais un milieu familial
dissocié, une enfance insécurisante, une absence de cadre éducatif, sont plus
déterminants.
Les études épidémiologiques montrent que les personnalités
intolérantes à la frustration sont de plus en plus nombreuses. Selon le
psychiatre Jean Cottraux, nous vivons dans une culture de l’impulsivité, et la
génération "zapping" ne met plus de distance entre désir et
satisfaction immédiate. Pour preuve, la dernière publicité pour le haut débit :
« Je ne supporte pas d’attendre, surtout sur Internet ! »
Conseils à l'impatient
Ecoutez votre corps
Une des voies pour se libérer de l’hyperimpatience est la prise de conscience
corporelle. Que se passe-t-il en moi ? Mon corps est-il tendu, transpire-t-il ?
Grâce à lui, on sait si l’on est triste, en colère, déprimé, agressif… C’est
toujours mieux que le refoulement.
Valorisez l’autre polarité
Devenez l’inverse de ce que vous êtes spontanément. Privilégiez l’observation,
la réflexion, les relations longues, plutôt que l’action. Les impatients
entrent brutalement dans le sujet. Apprenez le « précontact », grâce à toutes
les méthodes de relaxation.
Prenez le temps d’assimiler
Les impatients ne prennent pas le temps de « digérer » ce qu’ils vivent. Comme
les boulimiques qui s’organisent pour manger à peine leur repas terminé, ils ne
profitent pas des moments relationnels riches, des activités intéressantes. Il
est essentiel de s’accorder un moment pour ressentir en quoi l’action que l’on
vient d’accomplir nous a « nourris ». Si l’on passe aussitôt à autre chose, on
n’assimile rien.
Conseils à l'entourage
Pour
bien vivre avec un impatient, Gonzague Masquelier conseille la technique du «
mur chaud ». D’une part, restez ferme : ne cédez pas à sa frénésie, ne vous
laissez pas entraîner dans son maelström, ne changez pas de projet même s’il le
demande. D’autre part, restez tolérant. Si vous lui faites la leçon, si vous ne
vous intéressez pas aux dix mille projets qui le passionnent, il en conclura
que vous ne l’aimez plus et vous quittera.
Dernière chose, ne faites jamais attendre un(e) impatient(e) : ceux qui vivent
dans l’urgence interprètent le manque d’empressement comme un désengagement.