Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)

 Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, liée à une hyperactivité du système immunitaire digestif. Il n’existe pas de traitement curatif de ces maladies, mais les médicaments actuels permettent la plupart du temps un contrôle durable de la maladie et une qualité de vie satisfaisante en dehors des poussées. Plusieurs voies de recherche sont en cours de développement pour améliorer encore les traitements existants.

 

Comprendre les MICI

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Toutes deux se caractérisent par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif. Dans la maladie de Crohn, cette inflammation peut être localisée à tous les niveaux du système digestif, de la bouche à l’anus, même si c’est au niveau de l’intestin qu’on la retrouve le plus souvent. Dans la rectocolite hémorragique, elle est localisée au niveau du rectum et du côlon.


Ces maladies évoluent par poussées inflammatoires de durée et de fréquence extrêmement variables selon les patients. Ces poussées alternent avec des phases de rémission.

Les MICI sont le plus souvent diagnostiquées chez des sujets jeunes, âgés de 20 à 30 ans. Toutefois, elles peuvent survenir à tout âge et 15% des cas concernent des enfants. Si leur fréquence varie considérablement d'un pays à l'autre, les taux les plus importants sont retrouvés dans les pays industrialisés, notamment en Europe du Nord-Ouest et aux Etats-Unis. En France, où la prévalence  est stable ces dernières années, environ 5 nouveaux cas de maladie de Crohn et autant de rectocolites hémorragiques sont diagnostiqués chaque année pour 100 000 habitants. La prévalence augmente en revanche de façon exponentielle dans les pays en cours d’industrialisation (pays du Maghreb, Asie, Afrique du Sud...).

Douleurs abdominales et diarrhées, deux symptômes typiques

Lors des poussées inflammatoires, les MICI se caractérisent le plus souvent par : des douleurs abdominales, des diarrhées fréquentes, parfois sanglantes, ou encore une atteinte de la région anale (fissure, abcès). Ces symptômes font peser sur la maladie un certain tabou. Ils s’accompagnent souvent de fatigue, d’anorexie et de fièvre, voire de manifestations extra-intestinales (articulaires, cutanées, oculaires, hépatiques).

Chez environ 20% des patients, les crises sont sévères : leur intensité peut imposer l'hospitalisation, l'arrêt de l'alimentation et un traitement par perfusion pendant quelques jours. En outre, l’évolution de la maladie peut entraîner le rétrécissement du segment intestinal atteint, puis une occlusion ou encore un abcès. Celui-ci peut conduire à la formation d’une fistule, c'est-à-dire à l’ouverture d’une voie de communication anormale partant de l'intestin vers un autre organe. Ces complications nécessitent une intervention chirurgicale.

Les MICI sont associées à un risque accru de cancer colorectal, notamment lorsque des lésions sont présentes au niveau du côlon. Une étude danoise a montré que, par rapport à la population générale, ce risque est multiplié par 2 à 2,5 après 10 ans d’évolution de la maladie.

Plusieurs critères pour un diagnostic

Le diagnostic des MICI repose sur plusieurs critères cliniques, biologiques et d’imagerie médicale.

Lorsque des symptômes cliniques évoquent un MICI, un bilan biologique est réalisé. Il permet de détecter un syndrome inflammatoire, la présence de marqueurs spécifiques des MICI, notamment les anticorps anti-Saccharomyces cerevisiæ (ASCA) et les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), ou encore d’éventuelles carences nutritionnelles. Un marqueur d’inflammation (calprotectine) est souvent dosé directement dans les selles. Cet examen est utile au dépistage de la maladie, mais par la suite il sert aussi à l’évaluation de l’efficacité du traitement mis en place.

Une endoscopie digestive permet de rechercher la présence et la localisation de lésions du tube digestif, ainsi que de réaliser des prélèvements. Cet examen consiste à introduire une sonde équipée d’une caméra dans le système digestif du patient. Si nécessaire, une entéro-IRM peut venir compléter l’examen pour étudier plus finement l’intestin grêle. L’utilisation de vidéocapsule, une gélule à avaler munie d’une mini-caméra, permet également d’observer l’intestin grêle et, parfois, de révéler des microlésions invisibles avec les autres techniques d’imagerie. Ces vidéocapsules sont en cours de développement pour le côlon.

Des facteurs d’environnement sur un terrain génétique

Plusieurs facteurs de risque de MICI sont suspectés, notamment des facteurs génétiques et environnementaux.

L’analyse du génome de patients atteints de MICI a permis l’identification de plus de 150 gènes de prédisposition à ces maladies. En dehors de cas rares, leur impact sur la survenue d’une MICI est modéré. Néanmoins, une ou deux mutations sur le gène NOD2/CARD15 multiplieraient par 40 le risque de développer la maladie de Crohn.

Le fait que la prévalence de ces maladies augmente très rapidement dans les pays en voie d’industrialisation laisse suspecter un rôle de l’environnement, et en particulier de la pollution, dans leur survenue. Des études suggèrent une implication de microparticules ou encore de métaux lourds comme l’aluminium.

L’alimentation pourrait également être en cause. Toutefois, aucun aliment, groupe d’aliments ou façon de cuisiner n’a pour le moment été associé aux MICI.

Le tabagisme est par contre un facteur de risque avéré de la maladie de Crohn. Paradoxalement, il protège de la rectocolite hémorragique.

Traitements de crise et traitements de fond

Il n’existe pas de traitement curatif des MICI, mais les médicaments anti-inflammatoires actuels permettent dans la grande majorité des cas un contrôle durable de la maladie, pendant plusieurs années, associé à une qualité de vie satisfaisante. Ils préviennent l’apparition des poussées et prolongent les phases de rémission en favorisant la cicatrisation des lésions du tube digestif. Lors des poussées, des 5-aminosalicylés (5-ASA) peuvent être prescrits chez les personnes souffrant de forme modérée de rectocolite hémorragique. Par contre, ils ne sont pas efficaces dans la maladie de Crohn. Les corticoïdes sont quant à eux de moins en moins utilisés en raison de leurs effets secondaires à moyen et long terme.

Chez les patients dont la maladie est évolutive, les médecins instaurent rapidement un traitement immunomodulateur, pour stopper les crises et éviter l’apparition de nouvelles lésions. Ces médicaments permettent de réguler l’immunité des patients et réduire l’inflammation à long terme. Les plus utilisés sont les biothérapies : les anti-TNF-α et anti-Il12/Il-23 bloquent spécifiquement des facteurs d’inflammation impliqués dans la maladie. Environ 70% des patients répondent bien à ces traitements. Toutefois, chez la moitié d’entre eux, l’efficacité de ces médicaments s’altère au bout de deux ans, nécessitant de changer de molécule. Une nouvelle génération d’immunomodulateur spécifique de l’intestin (vedolizumab) vient d’arriver sur le marché. Il s’agit d'anticorps monoclonaux qui se lient spécifiquement à des molécules d’adhésion présentes à la surface de cellules immunitaires du sang, empêchant leur passage dans le tube digestif. Ce nouveau médicament est particulièrement bien toléré.

Pour les malades résistants à un traitement bien suivi, ou encore suite à l’apparition de complications, un traitement chirurgical peut être proposé. Après 10 ans d’évolution de leur maladie, plus d'un patient sur deux a subi une intervention chirurgicale afin de retirer le segment du tube digestif le plus atteint. Cette proportion devrait diminuer dans les années à venir grâce à l’arrivée de nouveaux médicaments plus efficaces.

Enfin, la fréquence et l’importance des diarrhées peuvent entraîner une carence nutritionnelle. Une supplémentation en fer, acide folique, zinc, magnésium, vitamines... peut être nécessaire, par voie orale ou intraveineuse. Chez l’enfant, il faut parfois recourir à la nutrition entérale, exclusive ou en complément.

Les enjeux de la recherche

Plusieurs voies de recherche sont en cours de développement pour améliorer le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales.

Vers de nouveaux médicaments

De nombreux laboratoires travaillent à la mise au point de nouvelles biothérapies, plus efficaces et mieux tolérées. Une nouvelle classe danticorps anti-b7 devrait notamment arriver sur le marché en 2017. Néanmoins, les immunomodulateurs actuels ciblent l’inflammation sans permettre de traiter la fibrose résultant des lésions induites et de leur cicatrisation. Or cette fibrose provoque localement une réduction du diamètre du tube digestif, avec un risque d’occlusion nécessitant une intervention chirurgicale. Des antifibrotiques sont donc également en cours de développement. L’objectif est de les associer aux immunomodulateurs.

Par ailleurs, une nouvelle molécule de la classe 5-ASA, beaucoup plus efficace, est à l’étude. Les 5-aminosalicylés (5-ASA) sont de vieilles molécules dont le développement valut un prix Nobel de médecine à Gerhard Domagk, en 1939. Ce n’est que des années plus tard que les médecins découvrirent de façon fortuite leur utilité dans le traitement des maladies inflammatoires de l’intestin. Et il fallut attendre 2007 pour qu’une équipe décortique les voies de signalisation impliquées dans son mécanisme anti-inflammatoire. Ces travaux ont permis de franchir un pas important dans la mise au point d’une nouvelle molécule plus spécifique (GED-0507-34 Levo), toujours en cours de développement. Elle pourrait avoir une action anti-inflammatoire 50 fois supérieure à celle des 5-aminosalicylés aujourd’hui disponibles, notamment dans la rectocolite hémorragique. Elle présenterait en outre une action antifibrotique.

Des cellules souches pour réparer les fistules

Chez les patients souffrant de fistules le recours à la thérapie cellulaire progresse. Environ 20% des personnes atteintes de MICI, présentent une fistule, en particulier au niveau du périnée. Une étude clinique incluant 289 patients présentant une fistule péri-anale vient en effet de montrer qu’une injection unique de cellules souches mésenchymateuses (issues du tissu adipeux) au niveau de la fistule permet de la refermer dès la 6e semaine. Bien qu’il s’agisse de cellules prélevées chez un donneur et non le patient lui-même, aucun traitement immunosuppresseur n’est nécessaire. La société à l’origine de cette étude a fait une demande d’autorisation de mise sur le marché pour commercialiser ses seringues pré-remplies de cellules mésenchymateuses.

 

 

 

 

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